samedi 3 décembre 2011

L’abandon de la mentalité capitaliste est une nécessité pour un véritable changement du monde arabe

La semaine dernière j’ai participé à un débat sur le future du Moyen-Orient. Ce fut une réunion animée au quelle ont participé des intervenants de points de vue extrêmement différent face à une audience intelligente et décomplexée.

Je ne m’attendais pas à ce que tout le monde soit d’accord sur les sujets que nous allions aborder, en particulier sur la nature et le rôle de l’Islam au Moyen-Orient.

En revanche, je fus surpris par les opinions polarisées dans la salle entre, d’un coté, ceux qui cherchent des idées fraiches à comment pouvoir résoudre une partie des problèmes complexes humains du monde et les autres qui semblent considérer tout remise en question des normes contemporaines comme étant non naturelle, infaisable et inopportun. Ce deuxième groupe semble tenir sacré des institutions telles que l’état nation, l’économie néolibérale, la politique laïque ainsi que le rôle d’institutions internationales comme l’ONU, le FMI et la Banque Mondiale.




Le point de vue qui favorise sans aucun questionnement la préservation de l’ordre actuel me semble être incroyable lorsqu’il est présenté dans un débat (c’est à dire que des participants puissent supporter un tel argument en donnant des exemples). Bien que je conçoit que ces individus soient en désagrément avec les solutions que je proposent, il est difficile de penser que les normes actuelles du monde sont tellement parfaites qu’elles n’ont pas le droit d’être remises en question dans aucune question et ce malgré les évidences contraires.

Sur la question de l’état nation, j’ai mentionné que les frontières artificielles du Moyen-Orient furent en fait établies par l’accord secret franco-britannique de Sykes-Picot lors de la Première guerre mondiale. Ces frontières ont eu pour effet de diviser des régions qui étaient raisonnablement homogènes pendant des siècles, créant ainsi des problèmes qui vont au delà des simples disputes de terre. Cette division des terres a crée d’énormes disparités en termes de démographies, ressources énergétiques et répartition de l’eau parmi tant d’autres problèmes. Par exemple, la Libye est un pays avec peu de ressources agricoles, avec de riches ressources énergétiques et une petite population (seulement 8 millions) alors que son voisin dont elle a été séparé, Égypte, a une très grande population, plus de 80 millions (dont une très grande partie, les jeunes, sont à la recherche de travail), dispose de terres très fertiles mais manque de ressources énergétiques, .

L' Égypte dispose de la plus grande population dans le monde arabe et, par conséquence, les égyptiens sont très souvent forcés de chercher un emploi dans les industries de la très riche mais peu peuplé péninsule arabique. Le Yémen, qui est frappé depuis longtemps par la pauvreté a pour voisin l’Arabie Saoudite qui jouit d’une richesse astronomique. Or ces deux pays partagent la même langue, la même religion et la même histoire.

La préservation du modèle d’état-nation dans le monde musulman semble être plus contre naturelle surtout lorsque des zones de libre échange et des unions économiques se développent à travers le reste du monde. La plus célèbre d’entre elles, l’Union Européenne, nous a offert l’enseignement qu’une zone de libre échange devient un réel succès lorsqu’on résout le différend sur la question de maintenir une division politique ou de centraliser suffisamment de souveraineté pour un bon fonctionnement de l’union. Le commerce prospère avec moins de contrôles aux frontières, en mettant sur un pied d’égalité les règlementations et tarifs douaniers ainsi qu’avoir une monnaie commune. Par contre, nous apprenons maintenant avec le projet européen, que tout cela se fissure s’il n’existe pas un certain degré d’union fiscale et une centralisation de souveraineté qui peut être exercée de manière efficace lorsque c’est nécessaire.

Sur le thème de l’économie globale: ne pas remettre en question l’ordre économique néo-libérale - et la culture de cupidité qui l’accompagne, le capitalisme sauvage spéculatif qui s’avère être tellement instable, ce système économique fondé sur l’usure et la monnaie fiduciaire (planche à billet) - serait renier ce que les gens ont assistés à dans les marchés mondiaux depuis 2008.

Sur la question de la politique laïque, j’ai fait remarqué que la laïcité était né de l’histoire particulière à l’Europe où l’hégémonie de l’ Église catholique fut défiée. L’ Europe a par la suite progressé lorsque la restriction de l’ Église sur l’expression de nouvelles idées fut écartée. En revanche, a contrario, le monde Islamique a prospéré le plus en terme de progrès, d’idées et de civilisation durant l’ère où la religion était centrale dans la vie de la société. Donc, concevoir les solutions des problèmes de la planète entière à travers le prisme de l’expérience européenne est fondamentalement incorrect.

Sur le sujet des Nations Unis: l’un des participants a loué le rôle qu’a joué l’ONU en passant une résolution en faveur de l’intervention militaire contre Kadhafi, mais il fut loquace lorsqu’on lui a remarqué que c’était la même ONU qui avait nommé, assez extraordinairement, le régime de Kadhafi à son Conseil des droits de l’homme en mai 2010.

Un membre de l’audience avait fait la remarque que les Nations Unis, qui avaient soutenus l’intervention en Libye, n’avait rien fait pour aider les gens massacrés au Bahrain, au Yémen et en Syrie. En réponse à cela, un des participants au débat a dit que cette attitude contradictoire était l’une des anomalies malheureuses de l’ONU. J’ai rétorqué que cela était absolument faux. Ce n’étais pas une anomalie, mais plutôt l’exemple d’un comportement cohérent de la part de l’ONU, qui consiste à seulement agir lorsque c’est dans l’intérêt des nations puissantes (essentiellement les 5 membres permanents du Conseil de Sécurité). J’ai relevé que l’Islam accepte l’idée d’un organisme international, équitable et impartial, qui permet aux états de dialoguer sur les sujets communs qui affectent le monde, ou à l’idée de traités entre états, mais cela est très différent à une organisation dont la raison d’être est de garantir l’intérêt de certains au dépens du reste et d’imposer des traités qui leurs sont mutuellement favorables sur le reste du monde comme étant le “droit international”.

Sur la question du FMI et de la Banque mondiale, j’ai dit que j’étais stupéfait que le nouveau chef de la banque centrale libyenne voulait que ces deux organismes soient en charge de la mis en place du nouveau système bancaire libyen, alors que leurs interventions économiques à travers le monde a été un fléau pour de nombreux pays. Une grande partie de l’audience a partagé mon sentiment d’incrédulité sur ce sujet.

En mai 2011, le président américain Barack Obama a tenu un discours très médiatisé à Londres, s' adressant aux deux chambres du parlement britannique.

Il a dit “nous vivons dans une économie mondiale qui est en grande partie celle que nous avons créée. Et de nos jours, la concurrence pour les meilleurs emplois et industries favorise les pays qui gardent un esprit ouvert tourné vers l'avenir, les pays dont les citoyens sont les plus créatifs, innovateurs et dotés du meilleur esprit d'entreprise. Cela donne aux États-Unis et au Royaume-Uni un avantage inhérent.” Ceci explique pourquoi les États-Unis ne sont pas plus inquiets de la montée de la Chine, avec qui les leaders occidentaux cherchent à améliorer les liens commerciaux. La Chine est le pays qui connaît la croissance économique la plus rapide au monde, et certains soutiennent même qu’elle est dans la meilleure position pour défier les États-Unis comme étant la puissance connaissant la plus rapide ascension. En effet, la dette que les États-Unis doivent à la Chine est tellement grande que les américains pourraient être sévèrement ébranlés si Pékin décidait de poursuivre une politique plus agressive. Mais la Chine défier les États-Unis voudrait dire affaiblir son plus grand importateur, étant donné que les États-Unis représente le plus grand matché d’exportation pour la Chine.

La préservation de l’ordre mondial actuel est l’un des facteurs clés, si pas en fait le facteur clé, qui détermine la politique étrangère des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de l’Europe.
C’est pourquoi des régions du monde tel que le Moyen-Orient, qui est en plein bouleversement et qui recherche une nouvelle vision, se doivent d’abandonner la mentalité capitaliste; une mentalité qui accepte l’ordre mondiale qui donne le pouvoir à certains et qui réduit à l’esclavage les autres.
De plus, ce n’est pas un hasard qu’une grande partie des économies émergentes - le Brésil, la Chine, la Russie et l’Inde- sont riches en ressources naturelle, disposent de grandes populations et peuvent ainsi concurrencer avec les États-Unis et l’Europe sur les deux plans.

Tout état qui met en commun ses ressources de telle manière qu’il soit riche en termes de population et de ressources naturelles, qui essaie de fonder un système financier plus juste avec une monnaie stable, qui essaie d’établir un système de dialogue international plus équitable: un tel état serait celui qui défierait l’ordre mondial actuel qui octroie aux États-Unis, à l’Union Européenne et au Royaume-Uni un avantage inhérent.

Comprendre cela explique mieux la Guerre contre l’Islam, ou comme ils l’ appellent “la Guerre contre le Terrorisme”. Car la réel menace qu’ils voient en l’Islam ne vient pas du ‘terrorisme’, de la violence ou des tueries, comme ils essaient de nous faire croire dans leurs propagandes. La menace qui provient de l’Islam est son potentiel à défier l’hégémonie présent d’un ordre mondial qui protège les banques et les banquiers au dépens du reste du monde. En fin de compte, lorsqu’on regarde même à la situation des gens ordinaires qui vivent dans les pays occidentaux, on ne peut que conclure que ce sont seulement les élites du monde qui profitent de la préservation de l’ordre actuel.

Dr. Abdul-Wahid écrit régulièrement pour New Civilisation. Il est actuellement Président du comité exécutif de Hizb ut-Tahrir chapitre Grande Bretagne. Il a écrit également pour les sites de Foreign Affairs, Open Democracy et du magasine britannique Prospect. Il peut être suivi sur Twitter @abdulwahidht et il peut être joint par email à abdulwahid@newcivilisation.com.


traduit de l’anglais http://www.newcivilisation.com/home/international-affairs/escaping-the-capitalist-mindset-is-a-prerequisite-for-real-liberation-in-the-middle-east

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